”Des produits de petite série traçables”, c’est le texte que j’ai publié le 29/11/23 sur la page facebook de L’European wool association dont je suis administratrice.
Chaque jour de novembre, nous avons publié l’histoire d’un objet en laine européenne. La variété des intentions, des savoir-faire, des couleurs, des textures, des résultats, est impressionnante. N’hésitez pas à aller lire les articles de cette série “Wovember” 2023.
Voici 2 paires de maniques et une carpette de bain. Leur histoire est la même.
D’abord, la laine est tondue et triée dans 4 élevages professionnels, 1 en Belgique (dans mon village) et 3 en France.
Ce sont des élevages où la laine a gardé de l’importance, malgré le contexte ambiant : les moutons sont tondus sur une surface propre par un tondeur professionnel et elle est triée directement à la tonte. On retire les parties jaunies, feutrées, pailleuses ou très jarreuses.
J’utilise habituellement un mélange de 2 races : le Texel, pour le gonflant et la résilience, et l’Est à laine mérinos pour la finesse et la douceur. Pour cette production, j’ai ajouté de la laine de Charollaise de l’éleveuse avec laquelle je me suis associée, et 5% de Zwartbless pour donner la couleur beige-gris clair.
Ensuite, je fais laver la laine dans un des derniers grands lavages industriels d’Europe, Traitex, à Verviers (Belgique). Le lavage est lent, ce sont des sortes de grands peignes qui font doucement avancer la laine de bac en bac. L’eau est à +- 50 degrés et contient un détergent doux basique. Il y a 4 bacs de lavage et 3 bacs de rinçage (ou l’inverse, je ne sais jamais 😉 ). Dans le dernier bac, on peut faire différents traitements de la laine… que je ne fais jamais.
La laine me revient dans des balles de jutes pressées et cerclées de fils métalliques. Chacune fait entre 150 et 300 kg… pas toujours faciles à manipuler. Heureusement que mon chéri est là quand le camion arrive avec sa livraison de laine ;-).
Les maniques et la carpette de bain sont en feutre, un non-tissé. Il n’y a donc pas de fil.
Il n’y a pas d’entreprise en Belgique ou en France qui feutre à façon (= on amène sa laine et on récupère le feutre réalisé avec sa propre laine). J’envoie donc mes balles de laine en Allemagne. L’usine est immense et la quantité minimum à feutrer est de +- 400kg de laine propre. Ce qui correspond à +- 666kg de laine brute (avant lavage) et +- 290 moutons.
Le feutrage de 400kg de laine est trop important pour moi, j’aurais du feutre pour 10 ans… et je ne suis pas en capacité de faire l’investissement financier toute seule. En effet, une production de ce type, dans sa totalité (achat de la laine à un prix équitable, transport, lavage, transport, feutrage, transport) représente un investissement de l’ordre de 14 000€.
Pour que la production de cette année puisse avoir lieu, j’ai donc associé à l’aventure une éleveuse française, une mercerie, une designer et une artiste, qui ont chacune acheté d’avance un ou plusieurs rouleaux de feutre.
Dans cette usine, la laine est cardée, elle est mouillée, et puis elle passe dans de grandes machines qui vibrent et frottent. Elle passe aussi régulièrement entre des rouleaux, pour retirer l’excédent d’eau et vérifier la densité du feutre qui se forme.
Le savoir-faire cumulé des ouvriers et des machines est impressionnant : quelle que soit la laine qu’on leur envoie, ils peuvent réaliser un feutre de telle largeur, telle épaisseur et telle densité, selon la commande qui leur est faite.
Après le passage à l’usine de feutrage, j’ai reçu 8 rouleaux de feutre beige et 4 rouleaux de feutre d’un magnifique rouge cerise. Chaque rouleau fait +- 180 cm de large, +-3mm d’épaisseur et +-22m de long. Une belle longueur ;-).
Il s’agit bien de feutre à l’eau, solide à la traction et au frottement, et pas d’aiguilleté. Il y a souvent confusion entre ces deux matériaux, et j’attrape des boutons tout mauves 😉 quand on me parle de feutre alors que c’est de l’aiguilleté (moins cher, moins solide, moins résistant).
Avec mon feutre, je propose différents produits :
- Des semelles, simplement découpées
- Des grands sacs – besaces
- Des sacs pour tambours type tambours chamaniques
- Des sacs isothermes
- Des maniques
- Des carpettes de bain
(Je propose aussi des fils à tricoter, gants, mitaines, moufles, bonnets, sacs, tissus, chaussettes à base de fil, toujours en laines belges et françaises payées équitablement aux éleveurs)
Je réalise la découpe des gabarits de mes produits en feutre et je les couds, sauf pour les sacs isothermes qui sont cousus dans un atelier d’insertion pour des personnes en reconversion.
Mais pour les maniques et les carpettes de bain, il y a encore une étape, la broderie. Ma machine à broder ne permettant pas de faire des broderies aussi grandes, je les confie à un atelier à une trentaine de kilomètres de chez moi. Et j’adore leur travail !
Vous savez pourquoi ? Parce qu’ils ont numérisé mon écriture !
La première fois que j’ai vu arriver les produits, avec mon écriture brodée dessus, je crois que j’ai failli éclater de fierté 😉 J
La traduction des maniques, c’est « Je ne peux pas, j’ai gratin » et « Je ne peux pas, j’ai crumble ». Pour la carpette de bain, je crois que vous avez compris.
La Laine des coccinelles est une marque belge de produits en laines belges et françaises qui a déjà 10 ans.
Elle a 4 objectifs :
– Promouvoir et utiliser les laines et les savoir-faire locaux
– Créer une chaîne de valeur équitable, y compris une rémunération juste pour les éleveurs de moutons (3,5 à 6€/kg de laine brute)
– Créer des produits en (petite) série à des prix abordables pour le public (j’aimerais que tout le monde puisse porter de la laine ;-))
– Proposer des objets utiles, traçables, beaux et durables, qui contribuent à changer un peu le monde 😉